Du sang et des plumes

L'idée n'était pas de lui : c'était Smith qui avait proposé ça, après s'être vanté pendant deux heures, au campement marchand des Paluns, que son rat pouvait battre un chien. Mais l'affaire s'était révélé intéressante. Lucrative, surtout. Et par dessus tout, cela plaisait à Fondu. Et tout ce qui plaisait à Fondu était une bonne idée.

Après les cris et les acclamations, le silence retombe, en même temps que la poussière de l'arène improvisée. Le public en veut pour son argent : beaucoup ont pariés sur la prochaine victoire du rat de Smith, qui a déjà occis un chat, éventré un mastiff gilnéen, et plumé sauvagement un vautour apprivoisé. Son prochain challenger est encore inconnu, mais le doute n'est pas possible sur le vainqueur : on parie déjà sur la façon dont sera mis à mort le pauvre animal qui tombera en face du Rat. Et la petite créature aux yeux de haine le sent : plus agressive que jamais, elle tourne en rond sur la terre gorgée de sang, en couinant le plus fort possible vers le public. Ceux qui doutait du sens du spectacle des rats ont leur réponse : c'est bel et bien un gladiateur qui est acclamé. Mais en cet instant, même le rat se tait, et fixe, lui aussi, la petite trappe qui lui révélera son prochain adversaire.

Après quelques secondes, un roulement de tambour se fait entendre, trouvé dans un coin par un petit malin. La tension monte, si la chose est encore possible. Enfin, la trappe s'ouvre, et le tambour se tait. Et une silhouette s'engage dans l'arène : à peine as-t-elle fait un mètre que le Rat lui saute dessus, toutes griffes et dents dehors, rasoirs meurtriers. Mais il ne mord que la poussière, à l'endroit laissé vacant par le challenger que personne n'as pu encore bien distinguer à cause de la poussière. Le combat s'engage, plus rapide que jamais : le mastiff gilnéen avait brillé par son endurance, le vautour par ses coups de becs vicieux, le chat par ses esquives... Mais aucun n'avait égalé, dans un seul de ces domaines, la créature blanche et noire qui, non contente de tenir tête au Rat, soulevait d'épais nuages de poussières dans ses mouvements, empêchant le public de voir ce qui menaçait leurs paris.

Puis la roue tourna, au premier sang versé, dégoulinant de l’œil désormais crevé du... Rat. Hurlements de consternation dans la foule, en écho au couinement strident de l'animal. Et c'est une mise à mort méthodique qui commence. Le Rat aimait faire couler le sang pour entendre le public hurler : son bourreau, lui, dissèque pour le plaisir, avec une sauvagerie méthodique. Le rongeur blessé tente au mieux d'esquiver, mais c'est au tour d'une patte d'être brisée, d'un lambeau entier de peau d'être arraché, et bientôt, alors qu'il s'écroule à terre et se met sur le ventre pour manifester sa soumission, c'est un bec effilé comme l'acier qui vient lui ouvrir le ventre, lui refusant brutalement l'absolution. Le public jubile, les pièces changent de poche... Et un champion est né.

Au milieu de l'arène se dressent trente centimètres de colère et de haine, un concentré aviaire de violence opiniâtre : des yeux noirs comme le néant -qui en fait est bleu, de l'extérieur, mais bref-, un bec a faire pâlir les aigles, des palmes griffues, aussi incroyable que ça puisse être, et deux petites ailes aux plumes noires et blanches qui battaient l'air dans un mouvement triomphal. Et la foule de crier son nom : « FONDU, FONDU, FONDU, FONDU ».

Nombreux sont ceux qui demanderont au propriétaire, après cet épisode, où avait-il trouvé un monstre pareil. Et celui-ci de répondre : « Dans ma poche, évidemment. ». Quelques jours plus tard, les premiers combats de Monstres de Poche se répandait dans les campements marchands de la région.

HRP : cf http://cdt-rp.monalliance.net/t556-des-jeux-et-des-croquettes#3926 pour plus d'infos.